La semaine dernière à la Fashion Week milanaise, la maison Tom Ford défilait, sous la houlette de son nouveau “directeur du style” Peter Hawkings. Oui Tom Ford a annoncé en avril dernier qu’il passait le flambeau et c’est donc son bras droit depuis 25 ans qui a repris les rênes de la maison, récemment rachetée par le groupe Estée Lauder.
Mais les commentaires sur les réseaux sociaux ont plutôt fait un accueil mitigé à la collection, lui reprochant un copié-collé sans imagination du Gucci des années 90…
Avant de vous donner mon avis sur cette collection, j’ai eu envie de faire un petit flashback sur ces années flamboyantes, quand Tom Ford débarque chez Gucci, arrivée qui a provoqué un cataclysme dans la mode…
On est au début des années 90, Gucci est une maison déclinante, un maroquinier vieillissant qui a multiplié les licences en tout genre, bref Gucci est devenu ringard. Gucci cherche son nouveau créateur, Tom Ford qui travaillait chez Perry Ellis à NY accepte le job (beaucoup ont refusé). Texan inconnu au bataillon, le défilé Fall Winter 96, le révèle au grand public : les tailleurs pantalons noirs sont ultra sexy, les chemises en satin déboutonnées jusqu’au nombril, les robes sont longues et blanches avec des attaches bijoux quasi architecturales, inspirées par Charles Eames.
Les stars adorent et participent au succès : Madonna est sexy en diable avec sa chemise en satin déboutonnée aux MTV Awards de 1995, Gwyneth Paltrow porte un smoking en velours rouge intense aux MTV Awards de 1996 (devenu iconique, elle le reportera en 2021 au défilé Love Parade d’Alessandro Michele à Los Angeles).
Gonflé à bloc par le succès, Tom Ford ose tout : les strings siglés de la lettre G. La fourrure à outrance. Les menottes. Les talons vertigineux en lézard. Le luxe devient border line et le porno chic est né.
Avec Carine Roitfeld, l’iconique rédactrice de mode qu’on ne présente plus, et le photographe Mario Testino, Gucci développe des campagnes de pub chic et choc qui font jaser, dont celle-ci qui a fait un buzz de dingue en 2003 !!!!
Bam, en quelque saisons, la maison est relancée. La croissance est exponentielle.
Le cul, ça fait vendre !
Je me souviens que quand j’ai commencé à travailler dans la mode au début des années 2000, Tom Ford était une icône, un Dieu vivant : beau et sexy, il était le designer successful dont tout le monde parlait, oups pardon le DIRECTEUR ARTISTIQUE successful. On ne dit plus créateur, ni designer, ni couturier, mais directeur artistique, c’est lui qui a inventé ce concept. Il conçoit les collections, mais aussi les boutiques, l’identité de marque, les packagings des parfums, les campagnes de pub, même les sacs de shopping sont designés par ses équipes… Rien n’est laissé au hasard : une vision dictatoriale pour imposer son propre esthétisme. On est entré dans l’ère des directeurs artistiques méga stars. Suivront Marc Jacobs, Hedi Slimane, Phoebe Philo, Riccardo Tisci, Olivier Rousteing, Anthony Vaccarello, Demna Gvasalia…
On peut raisonnablement dire que, dans la mode, il y a eu un avant Tom Ford et un après Tom Ford, comme Jesus Christ (oui, carrément).
Alors est-ce que cet héritage n’est pas un peu lourd à porter pour Peter Hawkings en 2023 ?
A Milan, on a vu une jolie collection, constituée de costumes en velours, en satin, de robes longues, transparentes, ultra sophistiquées. On a vu une palette de couleurs habituelles chez Tom Ford, du noir, du gold, du rose, du lilas, du marron, du kaki,…
Certes, tout est très beau, mais comme une énorme sensation de déjà vu, le souffre en moins. Presque 30 ans se sont écoulés entre les 2 collections. Et quasi pas de changement. Et ça, la mode n’aime pas… Oui le smoking est effectivement indémodable, mais la mode veut toujours du changement ou du détournement. Au fond de moi, je trouve ça triste, perso, ça fait quasi 20 ans que je m’habille pareil et que je conserve toutes mes fringues religieusement. Pourquoi ne pourrait-on pas toujours faire la même proposition stylistique, quand on a trouvé son marché et ses clientes ? A la manière d’une Isabel Marant qui nous vend la même silhouette depuis 30 ans…
Mais en vrai, j’ai quand même été déçue. Les temps ont quand même changé… Après #metoo, les filles sont encore très érotisées. Après le body positivisme, les filles sont toujours aussi maigres. Mais surtout il manque le souffre, ce côté un peu obscène qu’il y avait dans les années 90. Une chemise ouverte jusqu’au nombril et un mini short ne choquent plus personne aujourd’hui.
En même temps, comment proposer une nouvelle silhouette stylistique aujourd’hui ? Presque tout a été fait …. Et rajoutons à cela que l’humeur est quand même au politiquement correct (puis-je rappeler ici le tollé des campagnes Balenciaga fin 2022, qui, pour le coup sortaient de l’ordinaire)?
Bref, la grande question est comment se renouveler aujourd’hui ? Question d’autant plus actuelle après le défilé Gucci de Sabato de Sarno, qui prend les commandes d’une maison très fortement imprégnée par l’ère Alessandro Michele…
Vaste programme !
Je suis curieuse de connaître votre avis…
Je vais essayer !!!! Mais elle ne dure pas très longtemps :-(
Ah la la les années Tom Ford chez Gucci ! 😍😍😍 avez-vous prévu d’aller voir l’expo « Gucci Cosmos » à Londres ?