Aujourd’hui c’est le Black Friday
Initialement, je voulais faire un post sur ma détestation de cet événement créé de toute pièce pour nous faire encore plus consommer. Cet excès de communication, cette abondance de marchandises, de produits, dont personne n’a besoin, a fortiori un mois avant Noël. Tout cela est une abérration. Ma boîte mails croule sous les promotions estampillées Black Friday (c’est moi ou cette année c’est encore pire ??). Alors que la COP 27 vient de se terminer, que l‘urgence climatique est unanimement reconnue…
Je voulais vous parler de vintage, d’économie circulaire, de pourquoi j’ai lancé Pleaseness, et pourquoi ça me plait de plus en plus, d’un super nouveau drop qui arrive aujourd’hui… et puis bam, la nouvelle s’est confirmée : Alessandro Michele quitte Gucci. Cataclysme sur la planète mode. Il me fallait vous parler de Gucci.
Ciao Gucci
L’homme providentiel qui a relancé Gucci après un long moment de flottement post Tom Ford, s’en va… Déjà ? Ben ça fait 7 ans qu’il officie dans la maison italienne. Et alors, Karl Lagerfeld n’est-il pas resté 36 ans chez Chanel ? Alors pourquoi ce départ ? Il paraitrait que les chiffres sont à la baisse, Gucci ne se vendrait plus aussi bien… Ben oui les Chinois sont toujours sous cloche et forcément ils ont moins acheté… Désolée, je lui trouverais bien toutes les excuses du monde moi à Alessandro pour qu’il reste... Parce que oui, moi, j’adore sa mode, un doux mélange de poésie trash, de punk Renaissance, de cyber romantisme. Une mode qui connecte le passé, le présent et le futur, qui relie le classique et l’underground.
Alessandro Michele, c’est un génie qui, en deux défilés seulement, a renversé la vapeur et insufflé un vent de hype à la griffe milanaise… Oui je me souviens très bien de ce premier show Fall Winter 2015, une claque ! Ce carambolage d’imprimés, ces robes romantiques, certaines mannequins portaient des lunettes de nerd avec un béret. Et les mocassins mules avec la fourrure !! Wow, je voulais tout !
Le 2e défilé a eu lieu à NY et le photographe de street style Tommy Ton avait fait des photos dingos (j’étais une grosse fan à l’époque). Hop ! C’est parti. En un tour de piste, Gucci s’est réconcilié avec la croissance, enchaînant les best sellers : mocassins, sacs avec mors et logos, jupes plissées en lurex, T-shirts funky…
On adore ou on déteste
Michele a une telle vision, un imaginaire si fort qu’il emporte tout avec lui… On adore ou on déteste. Mais on peut lui reconnaître qu’il a transformé très profondément la maison Gucci et ce, à travers un prisme incroyablement large.
Les collections. Maximalisme, c’est le mot qui me vient. Toujours plus de froufrous, de strass, de couleurs, de logos, d’accessoires, de superpositions. Un ADN qu’on reconnait en 2 secondes. Une proposition stylistique forte. Mais je ne vais pas m’étendre, on connait tous la silhouette Gucci.
Des campagnes de pub démentes. Souvent derrière une pub réussie, il y a une collaboration sur le long terme, quand les équipes se connaissent bien et se font confiance, un peu comme avec Tom Ford / Carine Roitfeld / Mario Testino sur le Gucci des années 2000. Quinze ans plus tard, c’est encore un trio qui opère : Alessandro Michele et les anglais Christopher Simmons (direction artistique) et Glen Luchford (photographie). Des dizaines de campagnes toutes plus réussies les unes que les autres. Pourquoi se satisfaire de simple et efficace quand on peut faire génial ? Personnellement, en tant que photographe, chaque campagne, chaque lookbook, m’a bluffé. Quand on sait comme c’est dur de produire des images originales, fortes, de capter l’air du temps…
Et à chaque fois, ce sont des opérations de com à 360 degrés qui sont mises en œuvre, une histoire qui se raconte à travers un événement, un film (quel délice ce film qui rendait hommage à l’émission culte Soul Train et aux clichés de Malick Sidibé avec un casting 100% black). Triple cœur.
Les collabs. Elles ont été nombreuses, avec Disney, Dapper Dan, The North Face, Adidas, mais consistantes, comme si c’était une évidence. Du marketing mais qui ne sent pas trop le marketing. J’ai trouvé génial le Hacking Project, cette collab croisée entre Gucci et Balenciaga, je n’avais jamais vu ça, ni même pensé que c’était possible, au vu des rivalités entre maisons (même au sein d’un même groupe), un logo Balenciaga sur un sac iconique Gucci et vice versa… Euh, on peut savoir qui a eu cette idée géniale ?
La dernière collab sera sûrement celle de Harry Styles et Alessandro Michele, HA HA HA (les initiales de leur prénom), une capsule décomplexée pour hommes coquets. Peut-on officiellement affirmer que si Harry Styles est passé du statut de chanteur à adolescentes mal dégrossies à celui d’icône fashion, c’est un peu grâce à Gucci? Oui j’ai craqué, j’ai booké des billets pour aller voir Harry Styles en 2023 (alors que je ne connais aucune de ses chansons), et c’est sûrement à cause de toi, Alessandro!
Les stars. On pourrait parler de Billie Eilish et sa cascade de Grammys habillée en Gucci, de la présence de Macaulay Culkin au défilé de Los Angeles… Mais je suis obligée de faire une petite mention spéciale pour Jared Leto. Alessandro et moi, on a un penchant tous les deux pour Jared (je suis tombée amoureuse en 2001 quand j’ai vu Requiem For a Dream avec ma copine Manuella au Forum des Halles.
Et Jared c’est un peu le double d’Alessandro, version paillettes Hollywood. Oui on a le double qu’on mérite !
Mais les années Gucci avec Alessandro Michele, ce sont aussi des tonnes d’autres chantiers dont Gucci Beauty. Les parfums existaient mais ont subi un sacré lifting sous l’ère Michele. Le maquillage, les vernis à ongles ont été lancés. Toujours avec la même énergie, ce petit twist qui rend chaque produit si désirable.
On peut aussi parler de Gucci Vault. Une plate-forme lancée l’année dernière et dédiée aux trésors vintage de la maison reboostés et recustomisés par les artisans italiens…
Et Gucci Osteria ? En 2018, Gucci ouvre son premier restaurant à Florence avec le chef Massimo Bottura. Aujourd’hui on compte 3 restaurants de plus, à LA, Tokyo et Séoul.
En vrai, tout cela donne le tournis… Alors soit Alessandro est parti parce qu’il était en burnout (ce qui ne serait pas complètement surprenant au vu de tout ce boulot de dingue accompli depuis 2015). Soit les décideurs voulaient du sang neuf…
Pourquoi réinventer la roue ?
J’ai lu et entendu sur les réseaux, “oui il est temps, il se répète sans cesse, il est en boucle”, “ça fait 7 ans qu’on voit le même show”… Et alors ? Ce n’est pas ça “avoir quelque chose à raconter” ? On ne peut quand même pas lui demander de faire du Off White ou du Rick Owens, non ? Faut-il nécessairement inventer la roue tous les 6 mois ? Je pense que c’est justement cette obligation à se réinventer qui fait qu’aujourd’hui on a le Black Friday (oui décidément je tourne en rond avec cette histoire de Black Friday)… Toujours plus de coups médias, de buzz, d’occasions de prendre la parole, du coup le public veut toujours des changements, des bouleversements, faute de quoi il s’ennuie… Alors que dans la vraie vie, les gens continuent de porter des jeans, des robes noires, des pulls à cols V, des bottines et des T-shirts blancs… Allez les plus fous comme moi porteront des robes à paillettes et des pantalons à imprimés… Mais une fois qu’on a trouvé la ou les marques qui correspondent à son style, pourquoi celles-ci devraient se réinventer perpétuellement ?
Garder un créateur pour ce qu’il sait faire, cela ne permettrait-il de ralentir un peu notre rythme de consommation, même si la croissance des maisons du luxe ne se ferait plus à deux chiffres mais à un seul…?
Je vous laisse cogiter et je vous dis à bientôt pour la prochaine newsletter.
Ah oui, et je souhaite bon courage aux dirigeants de Kering pour nommer le remplaçant, la tâche ne va pas être facile…
Bises
Olivia