Le scandaleux Monsieur Meisel
Du vrai faux scandale Balenciaga aux images polémiques de Steven Meisel
La semaine dernière a été animée par le Balenciaga Gate, avec 2 campagnes consécutives qui ont incendié la sphère médiatique. Pseudo scandale sur fond de pédophilie, avec des images provoc’ et un sac nounours BDSM. Bam on enchaîne avec la négligence d’une boîte de prod et d’un set designer. Annonce d’un procès à 25 millions d’euros de dommages et intérêts. Excuses de la maison. Les réseaux sont en flammes, on réclame la mort en place publique de Balenciaga avec le hashtag #cancelbalenciaga, on vandalise les boutiques, on brûle les vêtements de la marque sur TikTok… Et même la Kim Kardashian qui intervient. Puis nouvelles excuses de la marque, du créateur, du CEO… de nouveaux process sont annoncés, de nouvelles équipes sont nommées, on laisse tomber le procès…
Mon dieu, tout ça pour des images qui ne m’ont pas choquées personnellement. Alors oui c’est de mauvais goût tout ça, mais n’est-ce pas l’ADN ultra sulfureuse de la marque ? C’est ce que viennent chercher les clients de Balenciaga, non ? S’acheter un sac nounours ou une basket élimée, c’est s’offrir un peu du souffre de Demna… Personnellement, j’ai trouvé la campagne de Noël avec les enfants assez moche et celle de la collab avec Adidas plutôt réussie…
Mais oublions ce scandale Balenciaga, qui, j’en suis sûre, sera lui-même oublié la semaine prochaine, voire, qui va gonfler le chiffre d’affaires de la marque dans les prochains mois… Ce sac nounours ne va-t-il pas devenir collector ? Y’a jamais de mauvais buzz… Juste du buzz.
La vraie question est :
Est-ce que ça ne va pas pousser les marques à modérer davantage leurs ardeurs créatives, à édulcorer les campagnes jusqu’au point de les rendre totalement aseptisées ?? Qui voudra encore prendre le risque d’un tollé médiatique pareil ??
J’ai eu envie de vous parler de vraies images choc, celles dont on se souvient encore 20 ou 30 ans plus tard… J’aurais pu vous parler d’Oliviero Toscani pour Benetton dans les années 80, ou de Mario Testino pour Gucci avec l’ère du porno chic. Mais j’ai eu envie de vous parler de Steven Meisel, l’un des mes photographes préférés qui a marqué les 90’s et les années 2000 avec des séries mode toutes plus sublimes et pour quelques unes assez shocking!
Steven Meisel, scandaleusement génial
Steven Meisel, c’est l’un des photographes les plus connus de la planète mais en même temps le plus discret, qu’on ne voit jamais, qui, quand il fait une apparition, se cache toujours derrière un bandana noir ou une toque à fourrure…
Mais commençons par le début, Meisel, c’est un teenager new-yorkais obsédé par la mode, les mannequins et les magazines. Après des études à la Parsons School, une courte carrière d’illustrateur, notamment chez le couturier Halston et au Women’s Wear Daily, il commence à photographier des mannequins de l’agence Elite, on appelle cela dans le jargon “faire des tests” — l’agence a besoin de faire des photos pour les mannequins débutantes qui n’ont aucune photo dans leur book et commissionne un photographe… Il se fait remarquer par les magazines américains Vanity Fair, Seventeen puis par le magazine italien Lei… Son nom circule, il photographie des inconnues qu’il propulsera au firmament, Linda, Naomi, Stella lui doivent leur carrière. Il sera l’un des premiers photographes stars, à une époque où tout le monde fantasme la mode, l’époque des supermodels, celle où Linda Evangelista ne se lève pas pour un contrat à moins de 10 000 dollars…
Justement, Meisel aurait signé un contrat de 2 millions de dollars avec le Vogue Américain…
Mais sa plus belle collaboration restera celle du Vogue Italien. Pendant plus de 20 ans, sous l’égide de la directrice de la publication et papesse de la mode italienne Franca Sozzani, il photographie toutes les couvertures de l’édition italienne de Vogue, avec un sujet d’une trentaine de pages à l’intérieur. Il n’aura manqué aucun numéro ! Respect infini.
Toujours des séries chic et choc, avec des moyens démesurés, des décors incroyables et des mises en scène délirantes. On ne refuse rien à Mr Meisel. Une créativité débordante. Mais qui se paye en retour par un nombre ahurissant d’annonceurs. Il n’est pas rare que le Vogue Italie compte plus de 600 pages et pèse plusieurs kilos !!!
Je me souviens, au début des années 2000, je commençais à travailler dans la mode, et le Vogue Italie c’était la bible, tout le monde l’attendait frénétiquement. Je les ai évidemment gardés scrupuleusement…
Ces 2 numéros de 2005 ont été une grosse claque. J’étais en transe et je n’étais pas la seule…
La première série se moquant des stars de Hollywood et des magazines people.
Et la deuxième mettant en scène des femmes en recovery d’une opération de chirurgie esthétique. Une petite pensée émue pour Linda Evangelista qui a avoué récemment avoir souffert d’une opération esthétique ratée. Là je me dis que Steven Meisel est vraiment visionnaire...
J’ai compilé quelques unes de mes séries préférées.
Rehab chez les super models. C’était la grande époque où Lindsay Lohan allait en réhab tous les mois… et où Britney se rasait la tête.
Téléachat en folie ou la critique de l’Amérique dans ce qu’elle a de pire.
Fouille corporelle dans la série State of Emergency, mais on reste glam’ of course…
Je n’ai mis que les séries un peu choc, mais il y en tellement d’autres que j’ai adorées. On peut saluer l’acuité de Meisel, toujours en phase avec l’époque.
Mais surtout Meisel, c’est le photographe qui a participé au bouquin le plus sulfureux du 20e siècle, le livre SEX de Madonna. Il sort en 1992. On ne parlait que de ça, au JT, partout. Il était vendu sous blister chez les kiosquiers. Impossible d’en découvrir le contenu au débotté. Forcément le buzz se fait. J’ai récemment regardé le document In France with Madonna (que je vous recommande chaudement by the way, visible ici), où les invités ont l’air très choqués par les images du livre qu’ils découvrent…
La Ciccone a réalisé tous ces fantasmes sous l’objectif de Meisel, avec qui elle est amie. Sado masochisme, zoophilie, triolisme.
Avec l’apparition de guests comme Naomi Campbell et Isabella Rossellini, des typographies, imaginées par le directeur artistique français Fabien Baron.
Aujourd’hui il est quasi impossible d’en trouver un, mais bonne nouvelle, YSL et Anthony Vaccarello ont profité de Art Basel à Miami pour ressortir une édition de 800 exemplaires et dédié une expo aux sulfureux clichés sur la plage de South Beach.
Et c’est une autre exposition qui met le travail de Meisel à l’honneur, 1993, A YEAR IN PHOTOGRAPHS, qui rassemble une centaine de photos qu’il aura shootées en 1993, une année faste, un peu comme toutes les autres… L’expo se tient jusqu’au 1er mai 2023 à la Fondation MOP (initiales de Marta Ortega Perez, la femme qui préside aux destinées de Zara après le retrait de son père), à Coruña, en Espagne.
Bref, cela faisait beaucoup de raisons pour vous parler de l’oeuvre de Meisel, et d’oublier bien vite le bruit des scandales de la semaine dernière…
Allez, je retourne à mes bijoux vintage, grosse actualité en ce moment chez Pleaseness, avec le corner au Printemps et le pop up de Noël au 10 rue des Petites Ecuries dans le 10e.
Olivia
Inspirant, merci